Le lieu du ban


La « crise des banlieues » fait l’objet de toutes les attentions (politiques, médiatiques, économiques, sociales … ) depuis quelques dizaines d’années, en maintenant, mais souvent sans remettre en question le processus même de la conception des banlieues. Si nous prenons comme point de départ le point de vue sémantique, la banlieue porte bien son : le lieu du ban, c’est à dire du bannissement. Or ce sens particulier traduit une volonté politique de placer les populations les plus pauvres le plus loin possible des plus riches afin d’éviter le contact avec la ville. En effet, comme il a été vu dans une note de blog précédente, la ville est le lieu d’où part les révoltes et révolutions populaires, il apparaît donc nécessaire pour la bourgeoisie d’éloigner les « classes dangereuses ».

Cette mise à l’écart est un processus ancien car déjà après la révolte des Canuts à Lyon dès 1831 il existe une volonté politique de loger les ouvriers à l’extérieur du tissu urbain, trop dense pour mater convenablement les révoltes. De la même façon, en ce qui concerne la capitale, le célèbre baron Haussmann, en plus de créer de grandes artères dans Paris pour éviter la formation des barricades lors des émeutes, cherchera aussi à éloigner l’habitat des plus pauvres du centre urbain de Paris. Alors que cette dernière s’est construite par annexions successives des faubourgs durant le 19ème siècle, le 20ème siècle va se traduire par un éloignement de plus en plus important des logements d’habitat social.

La réalité d’aujourd’hui est celle d’une relégation spatiale des cités populaires. En effet, les nombreux « grands ensembles » construit après la 2nde Guerre Mondiale pour répondre à une demande très importante de logement (en raison des destructions et des flux d’immigration important pour aider à la reconstruction), sont pour la plupart situés à l’extérieur des villes. Les raisons évoquées étaient avant tout financières car ces derniers ont été construits dans des zones ou le foncier était au prix le plus bas. Les classes populaires ont été invitées à quitter les centre-villes pour des logements dotés du « confort moderne » mais en périphérie, pendant que les classes dominantes, comble du cynisme de classe, en profitaient pour racheter les appartements des centres pour faire de la spéculation. Or aujourd’hui il y a une vrai inégalité spatiale entre les centre-villes qui sont le plus souvent bien desservis par les transports en communs, en équipements en tout genre et en commerce, et les périphéries enclavées par une absence de mobilité, des commerces qui ferment et des équipements inexistants.  Cet enclavement se traduit dans les faits par une plus grande difficulté à « sortir du quartier », qu’elle soit physique (des routes dangereuses à traverser par exemple) ou symbolique (« l’extérieur » peut être perçu comme injuste et discriminatoire).

L’autre élément qui contribue à la mise à l’écart des banlieues populaires est une certaine invisibilité politique. En effet, cette thématique n’est abordée dans les médias que sous l’angle sécuritaire par exemple lorsqu’un fait divers s’est produit. C’est un constat bien connu mais il est sans cesse repris par des politiques, le plus souvent de droite mais pas que (les sorties médiatiques de Manuel Valls, député-maire d’Evry, sur le thème sont nombreuses). Or la désaffection des cités pour la participation politique (et notamment chez les jeunes), visible par un taux d’abstention de plus en plus important, implique que l’on modifie les systèmes de représentations. En proposant par exemple une 6ème République, le Front de Gauche propose de changer les façons de faire de la politique. En effet, en mettant en place des instances de décisions et de consultations à des échelles différentes et complémentaires, les populations locales seraient plus enclines à participer car titulaires d’une expertise précise : celle de l’habitant(e), du travailleur(se), de l’usager(e) d’un service public … De plus, la mise en place de scrutins proportionnels doit favoriser la diversité sociale des élus au détriment des barons locaux.

Alors que la droite s’acharne à ne pas vouloir reconnaître le droit de vote des étrangers vivant sur le territoire français, le décloisonnement politique des banlieues populaires doit passer par une reconnaissance sans faille d’une citoyenneté française à tout ceux qui habitent le territoire et qui le font vivre. Cela doit être un des enjeux de la Révolution citoyenne.


2 commentaires on “Le lieu du ban”

  1. Il faut faire attention avec le droit de vote des étrangers. Le PS l’a fait voté, ainsi il ne faut pas oublier ce que ce parti représente comme idéologie politique, pour comprendre tous les sous-problèmes sociaux et de citoyennetés pouvant se dissimuler derrière cette mesure, en apparence sociale.

    Tout d’abord sur le terrain, au niveau des communes et des communauté d’aglo, il peut y avoir un risque d’alimenter une politique communautariste et clientéliste, (pourtant déjà existante dans des villes comme Corbeil ou encore Evry) en s’adressant à chaque habitant comme à la communauté ethnique qu’il représente. Et je pense que l’on est tous d’accord pour dire combien il est facile, surtout pour le PS, de tomber dans le piège d’une stigmatisation sociale et ethnique déguisée par ce vote qui ne garanti aucunement la citoyenneté, à des fins électoraliste.

    C’est pourquoi je crains qu’il s’agisse ici d’une véritable hypocrisie. Pour une égalité des droits, il faut étendre la citoyenneté répubblicaine au plus grand nombre. Donner le droit de vote aux étrangers, c’est accepter qu’il reste étrangers et donc seront considérés comme tels dans les politiques mises en place par la ville et pendant les élections. On est loin d’une égalité de droit, on bafoue un droit républicain au contraire. Pour le PS accorder le droit de vote est purement électoraliste surtout à six mois des présidentielles. Le problème n’est pas le droit de vote, le problème est la régularisation des sans papiers.

  2. Évidement que la solution est la régularisation des sans papiers et l’application du droit du sol pour l’acquisition de la nationalité. Néanmoins avant d’avoir un gouvernement et un pouvoir législatif assez progressiste pour la mettre en place, le droit de vote des étrangers est une bonne chose à mon sens.
    Et concernant les politiques communautaristes et clientélistes, 1. elles se font déjà, notamment par le biais des subventions aux associations « culturelles » religieuses, 2. elles seront davantage limitées par une interdiction des cumuls de mandat dans le temps.


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